mercredi 20 novembre 2013

La pire de mes journées

Demain Mardi 6 août 2013. Je commence mon service à 7h, il est 4h30 et je n'arrive pas à dormir. J’appréhende la journée. Hier aux transmissions, j'ai appris que mon binôme - que je ne connais pas encore - partait faire une balade en bateau avec trois résidents toute la journée. 

Cela fait trois semaines que je suis en remplacement dans ce service, c'est un Foyer Occupationnel pour personnes avec des déficiences sensorielles et troubles associés. Dans le service, il y en a une vingtaine. 

Il est 7h, j'arrive au boulot, j'ai l'impression de me prendre les pieds dans les valises qui me tombent des yeux. Le temps de poser mes affaires et de me faire un café, j'arrive aux transmissions de l'équipe de nuit à 7h05. Les transmissions commencent, mon binôme n'est toujours pas là. 

7h20, je commence à monter pour les toilettes du premier étage. Je fais donc ma ronde habituelle, je réveille Cécile. Cécile est une jeune femme de 22 ans porteuse d'une cécité congénitale avec des troubles associés. Je la suppose porteuse de troubles autistiques voire une névrose +++. Je la réveille, elle est entièrement recouverte de sa couverture en cette matinée d'aout ensoleillé. Les rayons dardent sur les volets. Il doit bien faire 35% sans la chambre... Je l'appelle à nouveau afin de la réveiller, une poupée Barbie nue sort de dessous la couverture. Les professionnels du coin le savent bien, c'est une mauvaise journée qui commence lorsque ses premiers mots sont "ma poupée, elle n'a plus de robe !".

Note : La consigne de la psychologue était de ne pas l'aider à trouver de robe pour ses poupées. Si elle nous demandais, il nous fallait la conduire chez elle. Sauf qu'en ce mois d'août, et bien la psy était en vacances.

Là, je commence à être agacé ! Que dois-je faire ? Je suis seul, pas de psy, pas de binôme (du coup il me faudrait aussi faire le deuxième étage) , il me reste 45 mn environ pour les lever et les toilettes et je suis dans une situation qui pourrait s’aggraver. Je lui répond donc : "Nous allons voir s'il est possible d'en trouver une tout à l'heure. Je vous mes un peu de musique et vous vous levez pour aller vous doucher". Je prépare la salle de bains, Cécile y entre et commence à se doucher.

Je sors donc de la chambre pour réveiller les autres résidents. Le reste de la tournée se passe bien, ouf !

Comme à mon habitude, je retourne dans la chambre de Cécile pour l'aider à s'habiller. D'ordinaire, l'infirmière libérale passe pour lui mettre des gouttes dans les yeux (de verre). Sauf que ce jour là, et bien elle n'a pu se libérer donc pas de gouttes pour Cécile. Je la sens tendue, agacée et toutes les techniques auxquelles j'ai recours d'habitude pour la faire sourire ne fonctionne pas. Cécile s'énerve et veut impérativement que je lui trouve une robe pour sa poupée. Je cherche donc un élastique dans un panier et une chaussette dans son tiroir pour en confectionner une (c'est ce qui est fait d'ordinaire par les petites souries du service pendant que le chat n'est pas là, hi hi hi hi).

Il est 8h30, c'est l'heure de descendre pour le petit déjeuner. Le deuxième étage n'est pas fait, toujours pas de nouvelles de mon "binôme" qui est en retard visiblement... Je privilégie donc d'aller faire le service du petit déjeuner. En effet, en plus des résidents du premier étage du FO, il y a aussi ceux de tout le FAM qui fait parti de la même structure. Cela doit bien faire une trentaine de résident donc la plupart sont malvoyants voire aveugles. Je les accompagne donc un à un avec leur plateau afin de prendre le pain, bols, verre de jus d'orange, beurre, miel, confiture, café chocolat, yoghourt etc... pour les conduire ensuite à leur table.

9h30, j'ai presque fini, mon binôme arrive enfin, il est en retard pour sa sortie bateau et il me dit "Bon, juste pour que tu sache, quand l'un de nous est en retard l'autre fait les levers et toilettes de son étage"

Si je n'avais pas été chrétien, je lui aurais sûrement foutu mon point dans la gueule... WTF !

Il est vrai que vous ne savez pas encore en quoi consiste le service du mardi matin pour les professionnels du FO ! Je vous explique, vous allez comprendre ^^

Le mardi matin, c'est une journée continue de 7h à 15h30 sans pause... (disons que l'on prend les pause quand on peut mais là, j'ai pas pu...)

Le service s'articule ainsi : Lever, toilettes, petit déjeuner, change des draps (qu'il faut également descendre à la laverie) réfection des lits, à 10h collation pour le FO et le FAM (40 résidents). La collation, c'est juste un sirop de fruit ou une eau gélifiée (pour trois résidents). 11h, distribution du linge pour ceux qui sont autonomes et pour les autres, il faut monter dans les étages et les ranger dans les placards. 12h15, c'est le barbecue (en été) pour les 40 résidents qu'il faut servir. Manque de pot, ce jour là, les ASH n'était pas là pour m'aider en ce début de service (entée, plat, fromage, dessert et café). 

Je pense qu'avoir envie de foutre son poing dans la gueule du binôme est légitime en ce jour sachant que celui-ci va tranquillou faire une balade en bateau, arrive en retard et se fout de moi par dessus le marché.

[Mode respire ON] Inspiration, expiration [Mode respire OFF]

Il est vrai que j'accompagne des personnes qui ont besoin de moi, bon zigue, je fais contre mauvaise fortune bon cœur, et je fais mon travail.

Je vous passe un situation où Cécile est entré en crise au moment de la collation en courant après une autre résidente lui disant "Je suis désolé, pardonne moi, je t'en prie pardonne moi ou je te tue".......

Bref, une sale journée quoi ^^

Le pire de cette histoire, c'est quand j'ai récemment téléphoné au chef de service pour lui demander si je pouvais faire de nouveaux remplacements.Il m'a répondu que du fait que CE JOUR LA, je fus en difficulté avec Cécile, ils se passeraient de mes services dorénavant.

Non, mais il y en a, j'te jure....

8 commentaires:

  1. Ah ouais, sale journée en effet! Euh... je veux pas te faire peur mais... y en aura d'autres! :-) (rhooo la vilaine!) Mais bon, positivons, ça te donnera de quoi alimenter ton blog ;-)

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  2. Merci et Merci Babeth :) Après, j'ai aussi des trucs supers mais je voulais me débarrasser de cette situation avant...

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  3. J'ai tellement de trucs dont je veux me débarrasser que même en cessant de bosser je pourrais alimenter mon blog pendant encore de longues années!

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  4. Disons que celle-ci, c'était la première et qu'on s'en souvient toujours il parait... La prochaine fois, je baffe et j'irai à confess' ensuite :p

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  5. Ca me rappelle un peu ce qui se passe dans mon établissement, une MAS. Des profils comme ton binôme, il en existe beaucoup : ils font tout ce qu'ils peuvent pour que le travail soit fait par les autres. PAR CONTRE, qu'un de leurs collègues, leur binôme du jour, soit en retard ou tarde un peu avec un résidant, et illico presto, c'est la plainte au chef de service ou pire en réunion devant le personnel réuni, histoire de bien "foutre" la honte à l'autre. Ce genre de personnage me hérisse... mais sait très bien y faire à coups de manipulation et de haussement de voix pour se faire entendre et dissimuler leur mauvaise foi. Car là, excuse-moi mais ton collègue se fichait à l'évidence de toi : son retard était très certainement calculé. En +, tu n'étais qu'un remplaçant (n'y vois rien de péjoratif, mais souvent les CDI prennent ceux-ci ou les stagiaires our leurs larbins). C'est étrange que dans ce foyer, l'obligation de prévenir de son retard ne soit pas obligatoire. Chez nous, ça l'est sinon tu es considéré en abandon de poste (surtout s'il t'arrive un accident en route) si tu dépasses la 1/2 heure. Et je trouve ça NORMAL ! En tout cas, beau défi pour le chrétien que tu es ! LOL !!!

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  6. Ce que je n'ai pas dis, c'est qu'il s'est retrouvé en panne d'essence en pleine mer, qu'il est finalement rentré plus tôt et énervé. En vérité, je ne crois pas ce que le chef de service m'a dis, je pense plutôt que l'équipe a senti que ça allait chauffer si je revenais. J'expliquerai pourquoi sur un autre billet un de ces jours, c'est croustillant aussi. Du coup, je pense sérieusement à monter une entreprise de SAP (Service à la personne) avec une ferme thérapeutique dans laquelle serait rassemblés tous les publics. Mais bon, ça c'est pour plus tard ;)

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    1. Ah oui, alors, l'âme d'un entrepreneur ! Pas mal ! Une véritable entreprise citoyenne et avec des valeurs morales. Je suis bouddhiste certes mais je n'ai jamais renié mes sources spirituelles catholiques auxquelles je suis profondément attaché. On peut dire de moi que je suis un bddhiste chrétien. J'aime dans le christianisme la rigueur morale qu'il manque parfois au bddhisme qui en laissant à l'humain une complète liberté d'être et de vivre laisse aussi la porte ouverte à la légitimation de l'égoïsme comme valeur... sous couvert de développement personnel bien entendu. Ce que je veux dire, c'est que j'ai souvent constaté que les patrons chrétien revendiqués traitaient leurs employés avec beaucoup + d'humanisme que les autres, bien au-delà des clichés ! les athées, et bien d'autres, donneurs de leçon, avec leur pensée républicaine pouvaient aller se rhabiller.

      Sinon, j'attends ton article sur la déconvenue de ton collègue. Comme quoi, bien ou occasion mal acquis profite rarement à son bénéficiaire. Et toc !

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    2. Bonjour Ellypso, oui en effet il y a un enjeu éthique dans le faire de créer une entreprise plutôt qu'une association. En devenant client (cf. Carl Roger) la personne devient le patron et le vrai centre du dispositif. Pour les employé l'idée est de travailler en "famille" en quelque sorte. Ce serait un peu long de tout exposer ici dans un commentaire et cependant incomplet. Je n'ai actuellement pas le temps de me pencher correctement sur ce projet. J'attends donc d'être diplômé !

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